Durant une très longue période, les peintres eurent du mal à manipuler toute la gamme des bleus foncés. Que ce soit pour la fabriquer, la fixer, la saturer et surtout l'utiliser sur de grandes surfaces, le bleu foncé est restée pendant longtemps une couleur difficilement exploitable.
Origine du bleu de Prusse
Nous sommes au début des années 1700 (entre 1704 et 1707), alors qu'un certain Johann Jacob Diesbach tentait de fabriquer de la laque de Florence dans un laboratoire à Berlin. Il utilisa un composant différent de sa recette habituelle, et le résultat fût pour le moins inattendu. Au lieu d'un rouge carmin, il obtenu tout d'abord une couleur ocre, qui ne tarda pas à tourner à un bleu profond. C'était la naissance du célèbre bleu de Prusse, qui n'allait pas tarder à se répandre partout à travers le globe.
Histoire du bleu de Prusse
Bien que fabriqué vers 1706, le bleu profond fabriqué par Johann prit son appellation « Bleu de Prusse » qu'en l'année 1709. Et sa composition chimique fût tenue secrète par Johann et ses collaborateurs jusqu'à ce que John Woodward perce le recette de cette teinture et la rende public en 1724.
Les inventeurs du « Bleu de Prusse » ont opérés ainsi dans le but de tirer un maximum de profits de cette nouvelle couleur. Et le moins qu'on puisse dire c'est que ça à bien fonctionné, car tous sont devenus très fortuné grâce à la popularité du « Bleu de Prusse ».
Composition chimique du bleu de Prusse
La composition de cette couleur qui fût tenue secrète pendant plus de 15 ans est la suivante :
- Sulfate ferreux (6 parts)
- Ferrocyanure de potassium (6 parts)
- Acide chlorhydrique (24 parts)
- Acide sulfurique (1 part)
Après quelques heures on verse ensuite dans cette solution du chlorure de chaux. Puis on purifie l'ensemble du ferrocyanure de potassium qu'il contient à l'aide de chlorure ferrique dilué. Le bleu de Prusse ainsi obtenu peut désormais être mit à sécher avant d'être utilisé.
L'expansion du bleu de Prusse
Après que le médecin John Woodward intercepte la recette de la teinture dans une lettre en Allemagne et la publie en 1724 dans les Philosophical Transactions. C'est le chimiste Étienne-François Geoffroy qui, en 1725, partage la composition du bleu de Prusse à ses collègues chimistes français. Et le bleu de Prusse ne tarda pas à être répandu dans toute l'Europe, portant de temps à autre le nom de bleu de Paris.
Plus tard en 1756, d'autres chimistes s'intéressent également au bleu de Prusse, notamment pour sa composition chimique atypique. Pierre joseph Macquer publie « Examen chimique du bleu de Prusse », peu de temps après c'est Joseph Louis Proust qui publie également Recherche sur le bleu de Prusse.
Le bleu de Prusse ne tardera pas à se répandre jusqu'en Égypte, ainsi que tout autour de la mer Méditerranée.
Des fouilles menées après la Seconde Guerre mondiale en Pologne à Lublin-Majdanek menèrent également à une chambre à gaz qui avait ses murs intérieurs peint au bleu de Prusse.
Utilisation du bleu de Prusse dans la peinture
Malgré sa teinte bleu unique, le bleu de Prusse n'est pas une couleur qui possède que des qualités. Cette teinte est réputée pour son manque de solidité, et il est par ailleurs très difficile de la mélanger avec d'autres couleurs car elle à tendance à les salir lorsqu'elle entre en contact avec.
Seul 2 couleurs se marient bien avec le bleu de Prusse :
- Le Jaune : avec lequel il produit un vert profond et lumineux.
- Le Rouge profond : avec qui vous obtiendrez un très joli noir profond.
Il faut également se montrer prudent lors de l'application du bleu de Prusse sur une toile car cette teinte a tendance à sécher très rapidement.
En France, Antoine Watteau (peintre célèbre) fût un des premiers à utiliser le bleu de Prusse dans ses tableaux dès 1712. Voici deux un ses tableaux dans lequel il à intégrer de manière peu prononcé le bleu de Prusse en arrière plan pour le ciel.
Le bleu de Prusse dans la culture japonaise
C'est autour de 1820 que le bleu de Prusse fût importé au Japon à Edo, et il ne tarda pas à devenir notoire dans tout le pays.
Il devint surtout très populaire chez les peintres et graveurs japonais, chez qui la couleur bleu profonde de cette teinte s'intégra parfaitement dans leur palettes de couleurs de l'époque. Le bleu de Prusse resta cependant pendant de longues années une couleur assez cher à cause de l'importation lointaine.
On le retrouve également dans d'autres secteurs et domaines comme ceux cités en dessous :
- Habits de paysans et d'artisans
- Vaisselle
- Armure samouraï
- Décors de théâtre
Cependant, l'interprétation de cette couleur pouvait être amenée à changer d'un domaine à l'autre.
Le bleu de Prusse : acteur d'un nouveau courant artistique
Il permit notamment l'essor d'un nouveau genre : l'estampe japonaise de paysage. Alors que le Japon était soumit à une politique très ferme et restrictive, ce courant artistique fût perçu par le peuple comme un échappatoire à travers une philosophie axée sur l'appréciation des choses dans l'instant et le contact avec la nature.
Utilisation du bleu de Prusse chez les peintres japonais
Selon un témoignage, Keisan Eisen fût un des premiers à utiliser le bleu de Prusse dans une de ses œuvres en 1830. Plus tard on retrouve Utagawa Hiroshige qui utilisa également merveilleusement ce bleu à travers des œuvres tels que Tourbillons de Naruto à Awa ou La mer à Satta, dans la province de Suruga.
"Tourbillons de Naruto à Awa" et "La mer à Satta dans la province de Suruga" par Utagawa Hiroshige
Mais le plus grand maître japonais à avoir utilisé le bleu de Prusse fût Katsushika Hokusai. Il a principalement contribuer à populariser cette couleur avec sa série « Trente-six vues du mont Fuji », dans laquelle il l'utilise sur toutes ses estampes. Que ce soit pour donner vie à la mer, ou bien accentuer un ciel avec une touche de bleu prononcé sur le haut des estampes.
La passe d'Inume dans la Province Kai, La Grande vague de Kanagawa et Umezawa dans la province de Sagami par Katsushika Hokusai. N'hésitez pas à retrouvez notre grande sélection de toiles emblématiques japonaises dans la catégorie estampes japonaises.
L'application du bleu de Prusse à la médecine
Aussi étonnant que cela puisse paraître, en plus de sa couleur intense le bleu de Prusse possèdent diverses vertus médicinales. Il est principalement réputé pour son efficacité face aux poisons que sont le thallium et le césium, et est utilisé contre multiples contaminations.
Pour les plus scientifiques d'entre vous, le bleu de Prusse fait office de frein au niveau de la barrière intestinale en ne laissant pas passer les radionucléides dans le sang. Ce qui peut être utile suite à un accident nucléaire. Le bleu de Prusse est par ailleurs inscrit sur la liste des médicaments essentiels de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé).
Le Bleu de Prusse dans le domaine littéraire
Bien que le bleu de Prusse tire sa grande popularité de sa couleur sur toile, les quelques fonctions d'antidotes qu'il possède ont visiblement suffit pour en faire un roman.
Philipp Kerr publie effectivement un roman policier nommé Bleu de Prusse en ce début d'année 2019 où un inspecteur nommé Bernie Gunther doit élucider un meurtre qui pourrait être une atteinte au III ème Reich.
Nous ne l'avons pas lu personnellement mais la célébrité de cet auteur britannique et les nombreux retours positifs de ce livre nous amène à vous le recommander si vous chercher une bonne enquête policière à lire.
L'abandon du bleu de Prusse
Malheureusement, le bleu de Prusse n'est aujourd'hui plus un des bleus les plus utilisé dans le monde artistique. Il est assez délaissé au profit du bleu phalto et du bleu d'intdanthrène.