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ORIGINE ET ÉVOLUTION DU THÉ AU JAPON (DE 729 À NOS JOURS)

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Contrairement aux sodas et aux boissons industrielles que nous connaissons aujourd'hui, le thé est une boisson qui possède une histoire et une culture qui date de plus d'un millénaire. Traversant le Japon médiéval, l'ère d'Edo, le Japon moderne puis contemporain, la production et la consommation de thé s'est peu à peu introduite dans les mœurs et la culture japonaise. Ce savoir-faire transmis de génération en génération par les maîtres de thé et les moines bouddhistes fût perfectionné durant des siècles afin de raffiner ses saveurs et accroitre ses vertus médicinales.

Aujourd'hui, il y a plus de 5 millions de tonnes de thé produits par an dans le monde. Et comme nous allons le découvrir sa qualité et son expansion à travers le globe sont fortement corrélées avec le pays du soleil levant. C'est donc avec passion et plaisir que nous vous partageons aujourd'hui la merveilleuse histoire d'une des plus emblématiques boissons du Japon : le thé.

L'émergence du thé au Japon

L’année 729 marque le premier rapport entre le thé et le peuple japonais. Alors que le 45ème empereur japonais, Shōmu (règne : 724-749), était invité avec 100 moines à une cérémonie bouddhiste en Chine. Il leur fut servi du thé vert qu’on appelait alors Hikicha no Gi ou Gyocha no Gi, littéralement « offrir du thé à quelqu’un ». Cependant ils repartirent au Japon sans prendre le soin de ramener quelques graines. Il faudra donc attendre soixante-seize ans pour que le Japon commence à s’approprier cette plante sur son territoire.

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Les premières plantations de thé au Japon

Ce sont les moines bouddhistes Saicho (767-822) et Kukai (774-835) qui rapportèrent les premières graines de thé Camillia Sinensis de Chine en 805. Cette importation aboutie à la première plantation de thé sur le sol japonais dans la préfecture de Saga (en noir sur la carte), sur l’île Kyūshū. Cependant, certaines théories affirment que le thé existait déjà à l’état sauvage dans les zones montagneuses. Il était alors appelé Sancha et était utilisé sous forme d’infusion et à usage médicale uniquement.

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Source : Google Maps

À cette époque-là, le thé est encore très peu connu sur le territoire et seuls les japonais fortunés peuvent se permettre de déguster ce breuvage rarissime. Mais peu à peu, le thé va se populariser auprès des cercles aristocratiques et monastiques. Si bien qu’en 815, l’empereur Saga (786-842) en personne se fera servir du thé vert par Eichû lors d’une de leur entrevue dans le temple Bonshakuji. Néanmoins, le thé a encore l’unique réputation d’être une plante médicinale chinoise. Il n’est pas consommé pour ses saveurs, mais pour ses vertus revitalisantes et pour favoriser l’éveil spirituel.

Le déclin du thé au Japon

Alors que le thé commençait à s’immiscer dans le quotidien et les habitudes des moines bouddhistes japonais, la rupture diplomatique entre le Japon et la Chine et la chute de la dynastie Tang va entraîner le thé dans une grande décadence. Bien que quelques jardins de thé aient été plantés au Japon dans la préfecture de Saga, le thé restait alors une boisson consommée majoritairement grâce à son approvisionnement venu de Chine. L’influence de la Chine chuta brusquement en 838. Fatalement, toute trace de thé disparue au Japon et il faudra attendre la fin de la période de Heian (784-1192) pour retrouver une mention du thé dans l’histoire du Japon.

Le retour du thé au Japon

Après plus de 300 ans d’absence, le thé fait enfin son grand retour en 1191 au pays du soleil levant. Les relations diplomatiques avec la Chine se sont arrangées, et les moines bouddhistes font désormais souvent des voyages d’une côte à l’autre.

Apparition du thé matcha au Japon

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Fatalement, un moine finit par ramener pour la seconde fois des graines de thé au Japon. Il amena alors la science nécessaire pour cultiver le thé matcha que nous connaissons aujourd’hui. Ce moine se nomme Eisai (1141-1215). Il est à l’heure d’aujourd’hui considéré comme celui qui importa le thé sur le territoire japonais et qui permit à ce dernier de s’y développer. Un an avant sa mort, en 1214, il publiera un ouvrage intituler « rester en bonne santé en buvant du thé vert ». Ce livre fut un énorme succès et il permit au thé de se réintroduire dans le quotidien des japonais naturellement comme une boisson vertueuse pour la santé, mais aussi, et pour la première fois, comme une boisson distinguée pour ses saveurs. Il faut dire qu’au fil des ans la culture du thé avait eu le temps d’évoluer en Chine et son goût s’en faisait ressentir.

La démocratisation du thé au Japon

À la mort de Eisai, ce sont ses disciples qui reprennent le flambeau. Myoé Shonin (1173-1232), un de ceux-ci, plantera un jardin de thé au nord-est de Kyoto, à Uji. Aujourd’hui encore, cette ville garde une réputation inégalée pour la production de thé. Un autre de ses disciple, Dôgen (1200-1253), importera lui de nombreux ustensiles qu’on trouve habituellement avec le thé comme le fouet et d’autres outils encore servant à sa fabrication ou sa consommation. Il se servira ensuite de ces équipements pour instaurer dans son cloître un rituel précis détaillant comment le thé devrait être consommé. Sans le savoir, Dôgen venait de laisser les premières traces dans l’histoire de la célèbre cérémonie de thé que nous connaissons aujourd’hui au Japon. Un peu plus tard, c’est le moine Musō Soseki (1275-1351) qui viendra populariser ce savoir faire et le partager à un plus grand nombre.

Année après année, le Japon commence donc à se réapproprier cette boisson et installe des plantations à Kyoto, Yamato, Musashi et dans bien d’autres villes encore. Le shogun de l’époque s’en fait même livrer personnellement et les méthodes de fabrication commencent à se multiplier, le thé se démocratise alors pour de bon dans la culture japonaise. L’engouement est tel que le shogun Ashikaga Yoshimitsu ira même jusqu’à posséder ses propres jardins de thé, et des compétitions de thé vert seront organisées durant l’ère Kamakura (1185-1333). Des évènements similaires sont d’ailleurs encore organisés au Japon comme nous pouvons le voir dans la vidéo ci-dessous qui nous plonge au cœur d’une de ces compétitions de roulage de thé qui a eu lieu en 2015.

 

Arrivée de la cérémonie du thé au Japon

Après une telle expansion du thé au Japon, il ne fallut pas longtemps pour qu’une cérémonie du thé officielle soit adoptée. Le maître de thé Murata Jukō (1392-1502) en sera l’initiateur. Après lui, Takeno Jōō (1502-1555) contribuera à populariser ce processus de dégustation en développant de nombreux salons de thé sur le territoire japonais.

De la sorte, jour après jour et années après années, les japonais adoptèrent cette boisson dans leur quotidien. Le thé traversa peu à peu les couches sociales qui le séparait jusqu’alors des classes populaires.

L'histoire des maisons de thé au Japon

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La première maison de thé, la Sakaisenke, fera son apparition sous l’impulsion de Sen no Rikyū (1522-1591), un maître de thé qui participa à créer le chemin du thé. Mais cette école disparue peu de temps après car le fils de Sen no Rikyū, Sen Dōan (1546–1607), n’eu aucun héritier pour reprendre les rênes de cette école. Cependant le fils adoptif de Sen no Rikyū, Sen Shōan (1546-1614), eut lui un fils qui donna naissance aux quatre petits fils de Sen no Rikyū, dont trois héritèrent ou développèrent leur propre maison de thé.

  • Kōshin Sōsa (1613–1672) maître iemoto (chef qui transmet les enseignements et les méthodes de l’école) inculquant le style Fushin-an en tant que chef des Omotesenke.
  • Sensō Sōshitsu (1622-1697) maître iemoto inculquant le style Konnichi-an en tant que chef des Urasenke.
  • Ichiō Sōshu (1605-1676) maître iemoto inculquant le style Kankyū-an en tant que chef des Mushakōjisenke.

Ces trois écoles (Omotesenke, Urasenke, Mushakōjisenke) connues sous le nom des San-Senke ont transmis avec ferveur de génération en génération, les idéaux et les connaissances du thé que leur avait enseigné leur grand père Sen no Rikyū.

D’autres écoles, les ryū, furent ensuite bâties sur le système des San-Senke à travers le pays et gouvernées de manière indépendante par différentes factions. Il existe aujourd’hui une multitude de maisons de thé différentes qui ont été implantées sur tout le territoire japonais.

Le perfectionnement du thé au Japon

En 1654, Ingen Ryūki (1592-1673), un moine chinois connu pour avoir fondé l'école Ōbaku du bouddhisme zen au Japon, fut invité au Japon pour l’édifice du temple Manpuku-ji qui verra le jour en 1661. C’est d’ailleurs encore aujourd’hui le plus grand temple bouddhiste. Lors de son séjour au Japon, Ingen Ryūki partagea avec le peuple japonais une nouvelle technique qui consistait à infuser directement les feuilles de thé au lieu de les broyer. De la sorte, le thé ne devait plus nécessairement être consommé rapidement. Il amena également une théière particulière équipée d’une poignée latérale qui sera l’ancêtre des kyusu. Les théières que nous utilisons aujourd’hui beaucoup pour consommer le thé matcha, comme celle en bois ci-dessous :

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Découverte de la technique de « mise à l’ombre » du thé

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En 1707 le Mont Fuji connut un terrible tremblement de terre précédant une de ses plus violentes éruptions qui eut lieu 49 jours après : la grande éruption de Hōei. Il n’y eut pas de coulées de lave mais les cendres furent propagées sur des centaines de kilomètres. Les pluies qui suivirent entraînèrent de nombreux dégâts sur tout le territoire comme la destruction des barrages construits pour se protéger des avalanches.

La culture du thé a donc été contrainte de s’adapter aux conditions météorologiques. Ne pouvant plus faire pousser le thé à même le ciel, des abris en paille de riz ont été inventés pour couvrir le thé lors de sa culture. Au moment de la récolte, le thé eut une saveur totalement différente que celle rencontrée habituellement. Le thé obtenu de la sorte sera perfectionné par la suite pour donner le thé tencha. La technique de mise à l’ombre fut inventée par la même occasion.

Découverte de la technique de roulage du thé

En 1738 Nagatani Soen, un cultivateur de thé originaire de Yuyadani (situé dans la préfecture de Kyoto) inventa une nouvelle méthode de fabrication du thé qui consistait à rouler les feuilles de thé en aval du processus de torréfaction à la vapeur. Ce qui permet entre-autre de décupler les capacités médicinales du thé. Il créa le thé sencha que nous connaissons aujourd’hui.

Découverte du Gyokuro

En 1835, 128 ans après la naissance du thé tencha, Kaki Yamamoto VI améliora la qualité de ce thé en le combinant avec la technique de roulage du thé sencha. Cela aboutit à la création d’une nouvelle famille de thé : le Tamanotsuyu, renommé ensuite en 1841 par Eguchi Shigejuro, le Gyokuro. Ce thé sera considéré pendant l’époque d’Edo (1603-1868) comme le plus noble qui soit.

Suite à ces nombreuses avancées scientifiques en matière de culture, le thé finit par être produit à Edo (ancien Tokyo) et devenir une boisson pleinement intégrée dans le quotidien des japonais, et cela à travers toutes les couches sociales.

L'exportation du thé au Japon

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En 1858 le shogun Tokugawa Iesada signa à Edo un traité commerciale avec les États-Unis favorisant l’export du thé en direction de ce pays. Le Japon signa des traités similaires avec la Hollande, la Russie puis la France. En 1859, le Japon ouvrit ses ports de commerce : la première année, il n’y eut pas moins de 181 tonnes exportées à travers le monde. Le thé fut alors placé en deuxième position de produit le plus exporté au Japon après la soie.

Les conséquences de la chute d’Edo sur le thé

La révolution de Meiji, en 1868, entraina la chute d’Edo, mais également un profond déséquilibre dans l’aristocratie japonaise. Elle fit perdre beaucoup d’argent et de pouvoir à de nombreuses familles puissantes. Sous les conseils du quinzième et dernier shogun Yoshinobu Tokugawa, beaucoup de ces familles réussirent néanmoins à combler ces pertes financières en investissant dans le marché du thé alors en plein essor.

Malheureusement, face à la production massive de thé, les maisons de thé traditionnelles peinent à s’en sortir financièrement. Pour compenser cette concurrence excessive, l’école Urasenke décida donc d’allier ses maisons aux gros marchands afin de faire perdurer ce savoir-faire unique. Cette action lui permettra de s’imposer comme la maison de thé la plus reconnue du Japon.

Le culture du thé délaissée par les aristocrates japonais

Le manque de savoir-faire des autres pays en matière de thé les pousse à importer en continue le thé depuis le Japon. La surproduction de thé que connait alors le pays va faire baisser drastiquement son prix. Laissant les aristocrates japonais de plus en plus indifférents face à ce marché en déclin. C’est ainsi que la culture du thé passa dans les mains des agriculteurs moins fortunés qui eux se contentaient de ce que rapportait encore cette culture.

La modernisation de l’industrie du thé

La révolution industrielle au XIX ème siècle accompagnée des nombreuses avancées technologiques n’épargnèrent pas la production de thé. L’industrie traditionnelle fut transformée en de nombreuses usines automatisées, orchestrées par de grands groupes qui n’avaient alors plus besoin de mains-d’œuvre.

Le thé au Japon de nos jours

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Le thé continue aujourd’hui encore à être un marché très fructueux au pays du soleil levant, mais étonnement pas autant qu’on pourrait le croire. En effet, le Japon n’est que le 8ème  plus gros exportateurs de thé dans le monde avec 90 000 tonnes exportés par an.

Il concentre la quasi totalité de sa production dans les 4 régions que sont :

  • Honshu représente à elle seul plus de 40% du thé produit sur le territoire.
  • Kyusu produit chaque année pas moins de 30% du thé japonais.
  • Shikoku est une des plus anciennes régions productrices de thé, elle est aujourd’hui la troisième île produisant le plus de thé au Japon.
  • Uji, bien que peu connue, car productrice de seulement 3% du thé, continue de produire des thés d’ombre d’une qualité exceptionnelle.

Le Japon : un pays phare dans l’histoire du thé

Après tous ces siècles passés à perfectionner, à affiner les saveurs du thé, à diversifier sa culture et à le populariser au-delà des mers, on comprend mieux pourquoi cette boisson est souvent assimilée au pays du soleil levant. Bien qu’il ne soit plus aujourd’hui un des principaux exportateurs, il reste un territoire historique qui a permis de populariser cette boisson au-delà des cercles privés des nobles familles japonaises, mais également au-delà des frontières japonaises lorsque le reste du monde n’avait alors pas connaissance de ces saveurs irremplaçables.

Finalement, en plus des saveurs de son thé le Japon a permis de conserver les différentes pratiques artisanales de fabrication de théières traditionnelles. On en retrouve aujourd'hui de toutes sortes, si vous souhaitez en savoir plus nous vous recommandons de consulter un guide d'achat de théières japonaises pour déterminer laquelle vous conviendrait au mieux.