Au fur et à mesure que l’Occident découvre les saveurs distinguées de l’alcool de riz japonais et sa capacité à s’associer avec toutes sortes d’aliments, la saké continue de gagner en popularité auprès des consommateurs. Découvrons sans plus attendre comment est fabriqué cet alcool japonais, quel rôle joue exactement le riz tout au long de sa composition et quel est son processus de fermentation si unique appelé double fermentation en parallèle.
1. Sélection des ingrédients
Bien que certains ingrédient seront ajoutés par la suite, les éléments de base qui composent le saké sont l’eau et le riz. Il est important de bien choisir son eau de source car sa minéralité aura un effet sur le goût du saké. Alors qu’une eau plutôt minéralisée donnera un côté dur au saké, une eau peu minéralisée rendra le saké plus doux.
Il est également très important de bien choisir son riz afin qu’il soit de la meilleur qualité possible, tous les riz cultivés ne se valent pas. Le riz utilisé pour le saké est différent du riz que nous utilisons habituellement pour cuisinier. Il se nomme shuzo koutekimaï alors que le riz de tous les jours se nomme lui hanmaï. Le shuzo koutekimaï est plus gros, plus résistant et surtout plus riche en amidon que le hanmaï ce qui, comme nous le verrons par la suite, a une importance capitale pour la fabrication du saké.
Le shuzo koutekimaï est également plus dur à cultiver par les paysans car, étant plus gros, il se situe plus en haut des épis de riz et est par conséquent plus sujet aux aléas du climat comme le vent et les typhons. Les pertes sont donc plus importantes au moment de la récolte et le rendement est inférieur pour les paysans ce qui rend ce riz par conséquent plus cher par rapport au hanmaï.
On estime à environ 95% la production de hanmaï au Japon pour seulement 5% de shuzo koutekimaï. Parmi ces 5%, seul 1% est considéré comme du riz capable de faire du saké de haut rang appelé daïginjo. Par conséquent chaque année une grosse concurrence à lieu entre les différentes brasseries de sakés afin de se procurer ce riz de qualité. L’objectif est souvent de faire le meilleur daïginjo possible afin de remporter des concours qui élisent le meilleur saké, et ainsi accroître la réputation de la brasserie.
2. Polissage du riz
Le polissage du riz se nomme seimaï et est dû à la répartition inégale des éléments dans le grain de riz. C’est à dire que les acides aminés, les acides gras, les protéines et l’amidon qui le compose ne sont pas dispersés de manière homogène dans le grain. Alors que les les acides aminés, les acides gras et les protéines se situent sur les extrémités du grain, l’amidon réside au cœur même du grain. Il est donc nécessaire de polir le grain de riz afin d’éliminer tous les éléments qui entourent son amidon et qui donneraient mauvais goût au saké.
Le polissage s’effectuent à l’aide de grandes meules qui vont petit à petit réduire le diamètre des grains de riz et les rendre ainsi plus pur. Cette étape est très importante car elle définie une grande partie du goût final qu’aura le saké, il faut prendre soin de ne pas casser les grains de riz car cela risquerait d’altérer le goût final du saké. Bien qu’il y a en réalité d’autres paramètres qui influent sur les saveurs du saké final, il est assez répandu de dire que plus les grains de riz sont polis et meilleur sera le saké.
Les grains de riz sont généralement polis jusqu’à ce qu’ils possèdent 60% de leur masse initiale, les sakés composés de la sorte sont alors appelés ginjo. Cependant, le polissage peut être pousser plus loin jusqu’à enlever plus de 50% de la masse initiale aux grains de riz pour obtenir un saké de haut rang, ce dernier sera alors appelé daïginjo. Il existe également des sakés de très basse qualité qui sont composés de grains de riz brut et de 100% de leur masse initiale, ils sont quant à eux appelés genmaï. Toutes les brasseries de saké ne prennent pas en charge le polissage de leur riz car l’installation des meules nécessaire aux processus est relativement onéreux. Par conséquent il est fréquent de voir des brasseries commandées directement aux agriculteurs du riz poli à 50% ou 60% en fonction de leurs besoins.
3. Lavage du riz
Une fois que le riz a été poli, il est nécessaire de le laver afin d’enlever la légère couche qui s’est formée pendant le polissage, cette couche est appelée nuka. Pour cela, on trempe le riz dans de l’eau douce. La durée pendant laquelle le riz va rester dans l’eau va dépendre du pourcentage de polissage des grains de riz et influencera le goût final du saké. Par conséquent il est très important de bien contrôler cette durée pour ne pas obtenir un riz ni trop sec, ni trop pâteux. C’est le rôle du maître sakéificateur, appelé toji, c’est lui qui supervise toute les étape de fabrication du saké. Certaines brasseries de saké automatisent cette étape mais naturellement le saké obtenu sera de moins bonne qualité.
Le processus de lavage du riz peut durer de une minute jusqu’à plusieurs heures. Plus les grains de riz seront poli et plus le lavage sera rapide, à l’inverse si les grains de riz sont épais il faudra plus de temps pour les laver. Les grains de riz sont généralement laissés dans l’eau jusqu’à ce qu’ils aient absorbés 30% de leur masse en eau.
Une fois le lavage du riz terminé, la couche résiduelle appelée nuka est récupérée et sera ensuite redistribuée dans le domaine alimentaire ou utilisée pour des cosmétiques haut de gamme. C’est une poudre blanche assez similaire à celle obtenue avec de la farine de riz classique, cependant celle ci est de bien meilleure qualité et n’est donc pas utilisée pour de simples gâteaux de riz traditionnels.
4. Cuisson du riz
Une fois que le riz est bien humidifié, il va falloir le préparer au processus de fermentation. Pour cela le riz est cuit à la vapeur pour ne pas le rendre trop collant et trop humide dans de grandes cuves appelées koshiki. Une fois de plus, c’est au toji de contrôler le temps de cuisson afin d’obtenir un riz de qualité. La cuisson du riz ne dure généralement pas plus d’une heure. Une fois que le riz est cuit, il prend alors une texture dur à l’extérieur et molle à l’intérieur. 20% du riz obtenu de la sorte sera ensuite utilisé pour la fabrication du koji tandis que le reste servira pour le processus de fermentation.
5. Fabrication du koji
La fabrication du koji est une des étapes cruciales dans la fabrication du saké. On commence par étaler le riz cuit pour faire baisser sa température jusqu’à 40°C puis on l’installe dans la chambre à koji, nommée kojimuro. Le riz y est étalé sur des grandes planches appelées toko et dans cette pièce, l’humidité comme la température y sont contrôlées avec une extrême précision. La température peut aller de 30°C à 35°C et l’humidité y est abondante afin de favoriser la prolifération des koji-kin.
Les koji-kin sont des champignons qui ressemblent à une poudre verte que l’on vient ajouter dans le riz après sa cuisson afin qu’ils libèrent des enzymes nommées amylases. Ces enzymes sont indispensables dans la fabrication du saké car elles vont détruire la molécule d’amidon des grains de riz afin d’en faire des sucres simples, ce processus s’appel la saccharification. Sans ça, il serait impossible de faire fermenter le riz car sa molécule d’amidon est trop grosse pour se transformer en alcool sous l’effet des levures. Les sucres simples obtenus de la sorte dans les grains de riz pourront eux en revanche fermenter en alcool sous l’effet des levures lors du processus de fermentation. On utilise également le koji-kin pour la fabrication du miso et de la sauce soja.
Il est nécessaire de mélanger et de remuer le riz assez fréquemment afin qu’il s’imprègne totalement du koji-kin. Ce processus dure généralement entre 36 à 48 heures. Une fois chose faite, le riz obtenu se nomme le koji et est plus dur que lorsqu’il est entré dans la chambre à kojimuro car il est recouvert d’un léger duvet formé par les koji-kin. De plus, une agréable odeur de châtaigne émane du koji une fois qu’il est terminé.
6. Fabrication du shubo (moto)
Une fois que le koji est terminé, on le verse dans une grande cuve où il sera mélangé avec de l’eau de source, du riz cuit à la vapeur, de l’acide lactique et finalement, des levures. Ce processus de fabrication est appelé sokujo et il va amorcer la fermentation du riz. Les levures vont s’y multiplier et commencer à produire de l’alcool tandis que des bulles vont se former à la surface du mélange appelé shubo, ou moto. On laisse ensuite reposer le mélange une quinzaine de jours avant de l’envoyer des cuves plus grandes encore pour que le riz y fermente en intégralité.
Les levures utilisées lors de la fabrication du shubo, et donc indirectement du saké, sont très importantes car elles auront une influence sur l’odeur du saké final, mais également sur ses saveurs. La plupart du temps les brasseries de saké achètent des levures déjà toute faite dans le commerce car il est plus simple de les utiliser, les toji étant habitués à travailler avec celles-ci. Cependant, certaines brasseries créées elles-mêmes leur propre style de levures et bien que ce soit quelque chose de très difficile, c’est le détail qui permet de développer sur le long terme des sakés uniques.
7. Fabrication du moromi (fermentation principale)
Une fois que le shubo est prêt, il est transféré dans de grandes cuves pouvant allées de une à dix tonnes pour y faire fermenter le riz en intégralité. Du riz cuit à la vapeur et de l’eau de source vont alors être ajouter au shubo le premier jour de la fermentation. Il est important de ne pas les verser trop rapidement pour ne pas diluer les levures du mélange ce qui risquerait de ralentir voire même d’interrompre le processus de fermentation. Rien n’est ajouté au shubo le deuxième jour afin de laisser les levures se reproduire, mais de l’eau de source et du riz cuit à la vapeur sont ajoutés au mélange en plus grande quantité au jour trois et quatre de la fermentation, de la même manière qu’au jour un.
S’ensuit alors une longue période pouvant aller de trois à cinq semaine où le shubo va progressivement devenir du moromi. Tout au long de cette période le mélange va être remué dans les cuves et la température va y être soigneusement contrôlée, pouvant allant de 8°C à 18°C en fonction de l’avancement du processus de fermentation. À noter que plus la température sera basse, plus la période de fermentation sera longue.
C’est à cette étape de la fabrication du saké que l’on retrouve la double fermentation en parallèle. Alors que la koji va venir dégrader l’amidon du riz en sucre, les levures vont se charger de transformer ce même sucre en alcool. Le moromi final aura une teneur en alcool comprise entre 17% et 23%.
8. Le pressage du saké
Une fois la fermentation totalement terminée, le moromi contient de très nombreux résidus de riz, appelés kasu, dont il va falloir se débarrasser. Pour cela on met le riz dans des sacs de coton puis on les met à étendre au dessus de grandes cuves, la gravité se chargera ensuite de faire couler goutte à goutte le saké et donc de le séparer du kasu, qui sera lui exporté de la brasserie pour être utiliser en cuisine. Ce processus de pressage s’appelle le joso et il est important que le toji le contrôle attentivement pour ne pas trop pressé le moromi. Le pressage dure généralement quelques jours le temps que tout le saké s’écoule goutte par goutte.
9. Le filtrage du saké
Le saké obtenu après l’étape de pressage n’est hélas pas encore prêt à être mis en bouteille. Il est nécessaire de le filtrer afin de le rendre plus pur et d’ajuster son goût et sa couleur. Une fois de plus, c’est au toji que ce rôle revient. Les techniques de filtrage peuvent varier d’une brasserie de saké à l’autre mais le filtrage le plus répandu reste le filtrage au charbon.
Finalement, le saké est mis à reposer un certain temps afin de le séparer des quelques sédiments qui aurait pu passer l’étape de pressage et de filtrage.
10. Pasteurisation du saké
L’objectif de la pasteurisation du saké est de stopper définitivement le processus de fermentation en détruisant les micro-organismes et les enzymes qui auraient survécu. La pasteurisation du saké est généralement réalisée entre 60°C à 65°C. Il est important de bien réaliser cette dernière étape car sinon le goût final du saké en sera altéré.
Le saké est finalement laissé à reposer pendant une période allant de 3 à 12 mois en fonction des brasseries de saké, puis il sera dilué avec de l’eau afin de faire baisser son pourcentage d’alcool à environ 15%.
Il ne reste alors plus qu’à mettre le saké en bouteille et à apprécier ses riches saveurs ! 🍶